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Queer suis-je?

Billets d'amour, d'humeur et d'humour d'une dure à queer

Tourner manège version 2.0

Publié le 30 Décembre 2017 par Bonnie Braun

Tourner manège version 2.0Tourner manège version 2.0
J'ai regardé pour vous  2 émissions de « télé-réalité » jusqu'à lors ignorées par ma personne. 
Ne me remerciez pas, je ne l'ai pas fait exprès. Léthargique à cause d'une attaque virale sur ma personne, je n'avais pas la force de faire marcher mes neurones.
Je dois avouer que ce genre d’émission est assez hypnotique, surtout avec 39 de fièvre.
C’est d'ailleurs tellement le néant que je pense que tu peux faire un anévrisme si tu essaies de réfléchir en regardant.
Comme beaucoup d’entre vous dans mon état normal, je ne m'y étais jamais réellement intéressé, je restais assez éloignée de ce genre de programme, et ce que j'y ai découvert est assez inquiétant.
 
 
Les Princes et Princesses de l’Amour  sur W9 et La Villa des Coeurs Brisés sur NT1: tout un programme.
 
La première émission est une sorte de Bachelor (consanguin de la télé-réalité) et démultiplié avec donc des « princes » et des « princesses » (tu vois déjà un peu l'idée), accueillant des prétendant.e.s à l’amour dans une luxueuse villa (ça va sans dire) et qu'iels vont tenter de séduire, faute de quoi iels seront giclé.e.s au bout de quelques jours. 
 
La deuxième émission narre les histoires ratées d’ancien.ne.s mais toujours candidat.e.s de la télé-réalité, qui après avoir écumé toutes les autres émissions se recyclent dans une nouvelle émission de dating en mode "j’ai le coeur brisé, aidez moi à guérir".
Alors je ne m'attarderai pas sur la "coach en amour" qui est là pour les aider à trouver d’où viennent leurs blessures intérieures, qui les empêchent tant de trouver l’amour (à 22 ans c’est vrai que c’est la lose de pas avoir trouvé l'amour...).
Cette coach/psy/maman/nounou est juste une grosse blague légitimant la rédemption de tou.t.e.s ces pauvres candidat.e.s en dépression télévisuelle, mais grâce à elle je me suis dit que je pouvais me mettre moi aussi à mon compte, dès demain.
Bref, outre leurs rdv "coaching", les candidat.e.s se voient (forcément) présenter des prétendant.e.s pour retrouver l’amour et enfin guérir!
Thanks God.
 
Alors on le sait et les ados qui regardent le savent aussi (enfin j’espère), toutes ces histoires de pseudo-love sont montées de toutes pièces, et à la rigueur c'est pas très important.
Je ne m’étendrai pas sur tous ces pseudos candidat.e.s/comédien.n.e.s adultes consentant.e.s (quoique) qui ont trouvé un bon filon pour se faire connaitre (dans leur milieu) et surtout se faire un bon paquet d'oseille en partant en vacances toute l'année, très bien pour elleux.
Je vous épargnerai les cris, les chialeries, les scènes de jalousie, les hurlements, les bastons scénarisées. On les voit déjà dans tous les zappings.
Je ne parlerai pas non plus du fait que tous les physiques et les corps sont standardisés.
Les jeunes femmes cis et hétéras sont des caricatures de féminité (chirurgie, maquillage, tenues ultra sexys…) ;
quand les hommes cis et hétéros sont des caricatures de masculinité (muscles proéminents, dentitions étincelantes, coupes de footballeurs, ...) ; 
que la nudité, le culte du corps sont les principales composantes de ce genre d'émission;
et qu'iels n'ont pas ouvert un livre depuis leur scolarité déjà bien éloignée.
Tout ça on le sait, rien de nouveau sous le soleil de Marbella. 
 
La majorité des jeunes qui regardent ces émissions ne sont dupes non plus de tout cela, mais moi je veux parler d’un mal plus insidieux. 
 
 
Représentations hétéro-patriarcales omniprésentes.
 
Dans Les Princes et les Princesses en carton pâte, j'ai pu voir une "princesse" mettre une robe transparente pour une soirée, laissant clairement voir un maillot de bain apparent en dessous. Son prétendant lui a alors sommé d’aller tout de suite se changer si elle le respectait et se respectait elle-même faute de quoi elle pouvait faire une croix sur lui... et la jeune fille de s'exécuter...
Un exemple comme un autre ramenant la jeune femme a une image d'objet de désir, qui ne devient plus libre de disposer librement de son corps si elle ne veut pas perdre son prétendant qui a sa propre vision du respect apparemment. La femme est considérée comme une coincée ou une salope si elle ne répond pas au désir de l'homme sur l'instant.
Le slut shaming est aussi présent dans ce genre d'émission, la femmes devant jongler entre toutes ces injonctions contradictoires à la séduction. 
Les hommes eux sont des stéréotypes de mâles dominants marquant leur territoire sur les femmes comme des loups pisseraient sur des arbres. 
 
De plus, l’hétéro-centrisme y a également toute sa place puisque l’homosexualité est quasi inexistante et que la bisexualité lorsqu’elle est représentée, est uniquement une bisexualité féminine. 

 

Absence presque systématique de consentement dans les rapports amoureux. 

Dans la Villa des coeurs d'artichauds,  on découvre des hommes qui se disent volages mais aussi "malades" ayant besoin de guérir de leurs pulsions incontrôlables qui les obligent à conquérir toutes les filles, et on voit des femmes trahies, abusées, désabusées par ces mêmes hommes coureurs. Les rôles sont clairement définis et bien rodés.
On y voit carrément un de ces "coeurs brisés" très "malade", embrasser et toucher de force une autre candidate et ce presque tout au long de l’émission, parce qu'il ne peut pas se contrôler devant sa beauté!  Mais il n'y peut rien vous comprenez! Il est M.A.L.A.D.E. qu'on vous dit!
Ici le harcèlement et l'agression sexuelle passent pour une maladie qui déresponsabilise de fait, l'homme, qui ne peut absolument pas s'en sortir seul. Ses pulsions sont plus fortes que lui. Vous m'en direz tant!
 
Dans Les Princes et les Princesses en kit, on assiste à pas mal de jeux d’adolescent.e.s tel que "action ou vérité", "cap ou pas cap",  où les gages sont d’embrasser, de toucher les autres participant.e.s, et quand la fille vient à refuser dans un premier temps, la pression du groupe fait qu’elle finit toujours par accepter, c'est pratiquement systématique cette pression de groupe d'ailleurs. Dès qu'un.e candidat.e refuse de faire quelque chose, le groupe va lui tomber dessus jusqu'à ce qu'iel accepte (et c'est très souvent en lien avec des gestes intimes ou sexuels).
 
 
Et après?
 
Alors on pourrait aussi s'arrêter au fait que ce soit une parodie de la réalité avec des personnes formatées pour un divertissement à prendre au énième degré, mais ce qui est gênant dans l'histoire c'est alors toute l'ambiguïté sur le terme de "télé-réalité" et sur l'utilisation de la vraie vie des protagonistes. Cette ambiguïté n'est jamais soulevée, ni remise en doute.
Tout est scénarisé pour laisser croire à une réalité (grand paradoxe), du coup c'est ce jeu avec cette ambiguïté là qui est la plus dangereuse. 
 
Depuis plusieurs mois, les médias et les réseaux sociaux s'emparent de toutes les affaires de harcèlement, dérapages sexistes en tout genre et grand bien fasse à notre société patriarcale bien encrassée, qui avait bien besoin d'un grand coup de pied au cul. 
Alors c'est hyper cool de s’insurger contre les blagues de merde d'Hanouna et toutes ses dérives crasses, sur Ruquier le Desproges du pauvre, sur Tex le Michel Leeb de 2017, mais que fait-on de ces émissions qui sont regardées presqu'uniquement par des ados et pré ados?
Ici la violence est souvent insidieuse, fourbe, cachée. Quand elle n'est pas explicite, elle passe par des chemins plus tortueux. Le sexisme y est ordinaire, les stéréotypes genrés omniprésents, l'hétéro-normativité assumée, la culture du viol passée sous silence.
 
Alors s'attaquer au porno mainstream pourquoi pas (bien que pas du tout le centre du problème), recadrer Hanouna et Cauet pour leurs émissions décérébrées est nécessaire, mais qu'en est-il de toutes ces émissions de "vraie-fausse-télé-réalité"?
 
Je ne vois rien passer comme articles, dénonciations, insurrection des médias ou réseaux sociaux. Je n'entends pas le CSA, ni Marlène Schiappa sur le sujet.
Alors même si je vous l'accorde c'est un calvaire à regarder, peut-être serait-il bien de s'y attarder un peu plus longuement pour ne serait-ce que se rendre compte de tout ce que véhicule ce genre d'émissions, car malgré tous les projets de lois contre la culture du viol, le harcèlement de rue, ou tout autre pansement sur une jambe de bois, rien ne changera tant que les racines seront bien pourries.
 
 
 
 
 
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